Artistes et politiques œuvrent et se rencontrent dans l'espace commun de la production et de l'expression des valeurs. L'exemple des révolutions française, russe et chinoise témoigne alors de relations des plus opposées, allant de l'instrumentalisation à l'élimination, et les noms de David, Chénier, Malevitch, Eisenstein ou Wu Han illustrent les différentes faces de ce cortège. Trois facteurs éclairent la manière dont fonctionne cette relation. Au temps long et continu des artistes s'oppose le temps heurté et court des politiques. Alors que les artistes suscitent et illustrent en permanence de nouvelles valeurs, les politiques entendent d'abord diffuser celles qui servent leurs objectifs. Quand que les artistes fonctionnent à l'autonomie vis-à-vis des composantes de la société, les politiques fonctionnent à l'hétéronomie.
Si le politique donne la priorité au contenu sur la forme, l'artiste recherche un équilibre entre forme et contenu. Le travail sur la forme apparaît comme l'essence de l'activité artistique et un lieu possible de séparation entre artistes et politiques, même lorsqu'ils partagent un projet commun. Le problème n'est plus alors de savoir si un art est beau ou pas, s'il conforte ou pas, mais de constater que cette tension traduit deux mises en perspectives différentes de la société et de ses mouvements. Parce que cette analyse part ici de situations exceptionnelles, elle va au cœur de la relation entre les artistes et les politiques, que le monde des arts soit régulé par la religion, l'académie, la subvention ou le marché.