L'histoire des institutions administratives françaises s'inscrit dans une remarquable continuité que peu d'auteurs ont, jusqu'à présent, mise en valeur. Des travaux récents montrent pourtant que notre administration plonge ses racines les plus profondes au Moyen Âge. Les ministres d'aujourd'hui sont les successeurs des secrétaires d'État de l'Ancien Régime, eux-mêmes descendants des notaires-secrétaires qui entouraient le roi à l'époque féodale. Ils s'appuient sur des structures administratives qui se sont lentement développées avant la Révolution et que Napoléon a perfectionnées, pour ensuite les léguer aux régimes qui ont jalonné le XIXe siècle. De même, les agents qui peuplent les ministères à l'heure actuelle sont les héritiers des commis et des employés d'autrefois. On peut dire la même chose du Conseil d'État, de la Cour des comptes, des préfets, des conseils généraux, des communes, des administrations postale, domaniale ou forestière, etc. Certes, toutes ces institutions ont évolué, elles se sont adaptées à leur époque, elles ont été réformées et modernisées mais, au fond, elles ont traversé les siècles et elles ont survécu aux soubresauts de l'Histoire. Ainsi, la fracture révolutionnaire, essentielle sur le plan politique et social, a finalement assez peu ébranlé une administration que les derniers Bourbons avaient déjà commencé à rationnaliser dès le milieu du XVIIIe siècle.
Ce manuel a deux objectifs. D'une part, l'approche sur le long terme doit permettre de délimiter les lignes de permanence et de rupture de l'histoire administrative en révélant les circonstances dans lesquelles les institutions sont apparues, comment elles se sont transformées et, le cas échéant, pourquoi elles ont disparu. D'autre part, il s'agit de brosser un tableau aussi précis que possible de ces institutions pour chacune des grandes périodes de l'Histoire, de les situer dans leur contexte, de déterminer leurs rapports avec le gouvernement, de montrer leur place au sein de la société du temps et d'éclairer la manière dont les pouvoirs publics ont géré, ou pas, les ressources et les besoins de la collectivité aux niveaux central et local.
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Cédric GLINEUR, docteur en droit, est professeur d'histoire du droit à l'Université de Picardie. Ses travaux portent sur l'histoire administrative aux périodes moderne et contemporaine.