La science politique moderne
n'est pas la science politique des
modernes. La science politique moderne l'a recouverte et enfouie. La science
politique des modernes ressurgit cependant là où l'on ne l'attend pas : dans la
pratique des sciences sociales, pour autant qu'une vision du social s'y trouve
engagée que la sociologie explicite dans sa signification et sa portée
politiques.
Telle est la thèse qu'avance ce
livre, en revenant aux fondations que Durkheim a su donner à cette science,
pour en préciser le sens et en montrer la pertinence toujours actuelle. Ce que
vise en propre la sociologie et qu'elle cherche à instaurer par son discours,
c'est un certain rapport à l'action.
Car le social qu'elle s'attache à objectiver est lui-même de cette nature : non
pas un ordre réalisé, mais un processus toujours en cours dans lequel on agit,
sur un plan inséparablement scientifique et politique. De quelle action
s'agit-il alors ? De celle conduite à l'intérieur de la division du travail,
animée par un idéal d'autonomie de la personne qui demande à être sans cesse
clarifié.
La science politique des modernes
rejoint ici sa nécessité. Elle nous aide à mesurer la distance qui sépare
encore nos sociétés de leur plus profonde aspiration : devenir des
sociétés démocratiques, capables de se gouverner elles-mêmes dans et par l'institution
libre et juste du social. C'est à cette reformulation du projet d'autonomie
qu'aboutit la sociologie, lorsqu'elle reste fidèle à la vocation critique que
lui assigne son inscription dans la modernité.
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Francesco Callegaro est docteur
en études politiques de l'EHESS. Il est membre associé du LIER (EHESS). Il a
publié plusieurs articles sur la sociologie durkheimienne, l'épistémologie des
sciences sociales et le pragmatisme contemporain.